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Mieux comprendre comment l’argent du pétrole est dépensé

 Lorsque le Nigéria a commencé à mettre en œuvre l’ITIE il y a dix ans, les Nigérians s’attendaient à en ressentir les effets dans leur vie d’une façon rapide et tangible. Le Nigéria a été le premier des pays mettant en œuvre l’ITIE à adopter une loi portant spécifiquement sur l’ITIE, loi qui nous assure l’indépendance nécessaire pour canaliser et aborder les questions cruciales que se posent nos concitoyens à propos de la gouvernance des ressources.

Après quatre cycles de déclaration couvrant treize années, plusieurs de ces questions ont surgi : Qu’est-ce qui a changé ? Quels sont les résultats de la mise en œuvre de l’ITIE sur la gouvernance des ressources ? Les énormes ressources pétrolières et gazières se sont-elles traduites par une amélioration de la qualité de vie des citoyens, et sinon, pourquoi ?

L’audit couvre cinq années et neuf États

Pour répondre à certaines de ces questions, l’ITIE Nigéria (NEITI) a commandité un audit portant sur l’allocation et l’utilisation des ressources du secteur extractif (Audit sur la répartition fiscale et le déboursement statutaire). Son objectif était de vérifier comment les revenus du secteur extractif avaient été répartis, où ils avaient été transférés et comment ils avaient été utilisés par le gouvernement fédéral, les États et les gouvernements locaux.

Couvrant la période 2007-2011, l’audit s’est concentré sur neuf États nigérians riches en ressources et dotés de ressources pétrolières, gazières et minières. Il a analysé les opérations de transfert et la gestion des différents fonds spéciaux de développement mis en place par le gouvernement pour favoriser les investissements et la diversification économiques, l’assainissement de l’environnement et le renforcement des services sociaux et éducatifs. Parmi ces fonds, on peut citer la Commission pour le développement du delta du Niger (CDDN), le Fonds pour le développement des ressources naturelles, le Fonds fiduciaire pour l’enseignement supérieur et le Fonds de stabilisation. L’audit a également couvert l’allocation et l’utilisation des revenus pétroliers et gaziers dans les secteurs clés des États fédérés.

De combien d’argent est-il question ?

Les conclusions et les recommandations de l’audit – ainsi que leurs relations avec le développement économique du pays – sont tout à fait révélatrices, perspicaces et utiles pour l’avenir.

Par exemple, l’audit divulgue le total des revenus versés au gouvernement fédéral, aux États et aux gouvernements locaux, y compris aux bénéficiaires du « principe de dérivation de 13 % » (qui s’applique exclusivement aux États producteurs de pétrole). De 2007 à 2011, 22 350 milliards de nairas (soit 125 milliards de dollars US) de revenus pétroliers, gaziers et miniers sont arrivés dans les caisses de l’État. Cette somme équivaut à près de 15 % du PIB (produit intérieur brut) du Nigéria pendant la même période, soit 780 dollars US par habitant.

Ces revenus ont diminué de façon importante d’année en année : alors que 9 750 milliards de nairas (54,5 milliards de dollars US) avaient été versés en 2007, les paiements se sont réduits à 5 420 milliards de nairas (30 milliards de dollars US) en 2008, puis à 4 280 milliards de nairas (24 milliards de dollars US) en 2009, et à 2 800 milliards de nairas (15,5 milliards de dollars US) en 2010.

En outre, les citoyens savent désormais combien d’argent est allé à quel niveau de gouvernement. D’après la formule de partage soumise au principe budgétaire fédéral du Nigéria, le gouvernement fédéral a pris 56 % du revenu total, et les États 24 %, tandis que les gouvernements locaux ont reçu 20 %.

Les régions sont fortement tributaires des revenus pétroliers, gaziers et miniers  

L’une des révélations majeures de l’audit est le fort degré de dépendance des neuf États analysés à l’égard des revenus pétroliers. Cette tendance structurelle est vraisemblablement assez similaire dans chacun des 36 États de la Fédération.

Cette dépendance a engendré une situation inquiétante : les États et les gouvernements locaux prêtent très peu d’attention aux autres sources de revenus, et notamment au capital humain abondant et aux autres possibilités de revenus auto-générés qui peuvent exister dans leur État respectif. D’après le rapport, un État comme Akwa Ibom est dépendant à 91 % de sa part des revenus pétroliers, l’État de Bayelsa l’est à 96 %, celui d’Ondo à 85 %, celui de Rivers à 76 %, celui du Delta à 75 %, celui de Nassarawa à 75 % et celui de Kano à 74 %.

Comme le souligne l’audit, non seulement cette dépendance persistante à l’égard des revenus pétroliers n’est pas viable à long terme, mais, en outre, elle est la principale cause de l’augmentation du taux de corruption, de la recherche de rente, du manque de créativité et d’acharnement au travail, et du cycle de la pauvreté du Nigéria au milieu de l’abondance.  

L’argent n’est pas employé à l’amélioration de la qualité de la vie

L’audit attire également l’attention sur une tendance structurelle négative pour ce qui est de l’allocation des revenus aux grands secteurs, et de l’utilisation qu’ils en font. La plupart des États couverts par l’audit ont négligé de canaliser les fonds vers les domaines importants qui améliorent directement les conditions de vie de nos concitoyens. Cela comprend les services sociaux, notamment la santé, l’éducation, le logement et la création d’emplois.

À titre d’exemple, au cours de la période examinée, l’État d’Imo a consacré seulement 2,3 % de son revenu total à l’éducation et à la santé, alors que 72 % des revenus encaissés sont allés aux dépenses récurrentes, à savoir les coûts de fonctionnement, les salaires et les frais généraux du gouvernement.

Seuls deux États, ceux d’Akwa Ibom et de Rivers, ont consacré plus de 70 % de leurs revenus à la réalisation de projets d’équipement. Mais là encore, la part allouée par ces deux États aux services sociaux représentait moins de 10 %.

La question est importante car, dans un pays en développement comme le Nigéria – qui présente de sérieux défis en matière d’infrastructures sociales de base, telles que les routes, l’électricité, les hôpitaux, les écoles, l’alimentation et le logement –, c’est la capacité à canaliser des fonds vers la fourniture de ces infrastructures, par le biais de projets d’équipement prioritaires, qui différencie clairement les bons gouvernements des autres.

41 millions de dollars US non comptabilisés

La révélation la plus frappante de l’audit est sans doute celle qui porte sur la somme astronomique de 7,4 milliards de nairas (41,4 millions de dollars US) allouée, pour la réalisation de certains projets, aux neuf bureaux régionaux de la Commission pour le développement du delta du Niger (CDDN) – car cette somme n’est pas comptabilisée. La CDDN est un organisme d’intervention créé spécialement pour développer le delta du Niger riche en pétrole, et réhabiliter la région après une longue période d’abandon et de dégradation de l’environnement. D’après le rapport de l’audit, la plupart de ces projets étaient soient redondants, soit inexistants. Par ailleurs, le rapport signale des cas fréquents de mauvaise gestion des fonds alloués à la CDDN.

Des fonds utilisés à des fins contraires à celles prévues

L’audit confirme que le total des transferts en faveur du Fonds de développement des ressources naturelles s’est élevé, au cours de la période couverte, à 365 milliards de nairas (2 milliards de dollars US). Avant ce rapport d’audit, rares étaient les Nigérians qui connaissaient l’existence de ce fonds. Il a été mis en place pour développer de nouvelles sources de revenus à partir des ressources naturelles.

Mais l’audit a découvert que, contrairement aux objectifs pour lesquels le Fonds de développement des ressources naturelles avait été mis en place à l’origine, il était utilisé à d’autres fins et qu’il avait même une dette de 339 milliards de nairas (1,9 milliard de dollars US), suite à des retraits sans rapport avec ses objectifs.

De même, l’audit a retracé des transferts de revenus pétroliers à hauteur de 110 milliards de nairas (616 millions de dollars US) en faveur du Fonds de stabilisation, pendant la période couverte par ses travaux. Ce fonds n’a pas non plus été utilisé conformément à ses objectifs d’origine.

Investissons dans l’avenir

Enfin, l’audit révèle qu’à un moment où l’enseignement supérieur au Nigéria avait grand besoin de fonds pour développer ses infrastructures, une somme astronomique de plus de 200 milliards de nairas (1,1 milliard de dollars US) est restée bloquée dans les coffres du Fonds fiduciaire pour l’enseignement supérieur, un organisme créé principalement pour soutenir le développement de l’enseignement supérieur.

Alors que nous investissons dans le renforcement des capacités et des connaissances par le biais de l’éducation, nos stratégies ne sauraient ignorer le fait que les ressources de notre secteur extractif ne sont pas renouvelables : la production baissera avec le temps et sa contribution au revenu national ira en diminuant. Des fonds et des organismes ont été mis en place pour soutenir des initiatives de développement durable, mais notre audit montre que les objectifs de ces initiatives sont ignorés et que les fonds alloués à ces organismes sont détournés.

Avec ce rapport d’audit, nous fournissons des éléments factuels pouvant servir de base à une intervention sérieuse auprès de nos dirigeants. Désormais, nous sommes en mesure de leur demander des comptes pour leurs actions, ou plutôt leur inaction.

Pour en savoir davantage sur les points saillants de l’audit du NEITI sur la répartition fiscale et le déboursement statutaire, veuillez consulter (en anglais) notre site Internet www.neiti.org.ng ou la page http://www.neiti.org.ng/index.php?q=pages/fiscal-allocation-and-statutory-disbursement.

Pour plus d’informations sur la mise en œuvre de l’ITIE au Nigéria, veuillez vous reporter à notre page pays : www.eiti.org/fr/nigeria.

Le Secrétariat international de l'ITIE encourage la réédition de notre contenu. Veuillez citer les références de cet article comme suit : « Mieux comprendre comment l'argent du pétrole est dépensé » a été publié sur eiti.org le 1er décembre 2014.

 

Pays
Nigeria