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Transparence des contrats : prochaines étapes pour le Guyana

Le Guyana, petit pays d’Amérique du Sud de moins de 800 000 habitants, détient des réserves de pétrole considérables. Les récentes découvertes devaient transformer l’économie du Guyana et le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait une croissance de 52,8 % du produit intérieur brut (PIB) du Guyana en 2020. Toutefois, la récente chute des prix du pétrole risque de compromettre la manne attendue et pourrait modifier les perspectives du Guyana de devenir un grand pays producteur de pétrole.  

Les premiers revenus du bloc Stabroek du Guyana sont déjà arrivés dans les coffres du gouvernement, y compris 4,9 millions de dollars US de redevance pétrolière, transférés en mai 2020. En février dernier, un million de barils – d’une valeur de 55 millions de dollars US – ont été reçus de la vente du profit oil. Cette transaction a eu lieu juste avant la chute historique des prix du pétrole brut observée en début d’année.

En de pareils moments, la transparence des contrats et la divulgation des accords de vente deviennent encore plus urgentes et opportunes.

Le gros contrat

En juin 2016, ExxonMobil confirmait avoir fait une découverte de premier ordre sur son puits Liza-2, situé dans le bloc Stabroek à environ 200 km des côtes du Guyana. Cette découverte représente l’une des plus grandes découvertes de pétrole brut de ces dernières années à l’échelle mondiale.

Trois jours avant la confirmation de cette découverte, un accord de partage de production avait été signé entre le gouvernement, ExxonMobil, CNOOC International et Hess, complétant l’accord d’exploration déjà signé entre les parties. En décembre 2017, le gouvernement a rendu l’accord accessible au public, geste considéré par les citoyens guyaniens comme une étape clé dans la transparence des contrats.

Une récente analyse d’OpenOil concernant cet accord laisse à penser que « la Guyane recevra de la licence Stabroek 55 milliards de dollars US de moins qu’elle ne le devrait, soit en moyenne 1,3 milliard de dollars US de moins par an ». En réponse au rapport d’Open Oil, Exxon a souligné que « les conclusions sont trompeuses, en ce qu’elles comparent les eaux profondes du Guyana avec des bassins pétroliers matures ayant tout naturellement mené à des cadres financiers tenant compte de la maturité et des profils de risque plus faibles ». Le gouvernement a affirmé que l’accord n’avait pas exclusivement trait aux conditions fiscales, mais qu’il tenait compte d’ « impératifs géopolitiques et de sécurité nationale qui ne pouvaient pas être ignorés ».

La production du bloc Stabroek a commencé en décembre 2019 et les exportations ont débuté en janvier 2020. Le même mois, le département de l’Énergie a signé un accord de vente avec Shell pour la vente des trois premières cargaisons de profit oil reçues. Les premiers millions de barils ont été expédiés en janvier. Le prix du pétrole vendu n’est toutefois pas connu, car l’accord de vente n’a pas été rendu public.

Les grands négociants en pétrole s’intéressent toujours au Guyana malgré la chute des prix. Ils continuent à soumettre des expressions d’intérêt en vue d’être considérés comme agents de commercialisation pour la part de pétrole brut du pays revenant à l’État. La publication de l’accord de vente représenterait une étape vers la résolution de plusieurs des inquiétudes exprimées par les Guyaniens en ce qui concerne l’analyse des conditions et modalités des contrats pétroliers et des accords de vente de pétrole. Le département de l’Énergie s’est engagé à fournir des données sur les ventes. Il a par ailleurs fait remarquer que la divulgation précoce de certains aspects des données concernant les ventes de pétrole peut revêtir un caractère sensible dans les négociations internationales y relatives, ce qui n’est pas un secret pour ceux qui opèrent dans l’arène du commerce international du pétrole.


Le bloc Stabroek est situé à environ 200 km au large des côtes du Guyana. Image : Hess Corporation

Les contrats pétroliers du Guyana sont accessibles au public

Les contrats fixent les droits, les conditions et les obligations régissant l’exploration et l’exploitation de réserves particulières de pétrole, de gaz et de minéraux. Les différences entre les conditions contractuelles et le cadre juridique et fiscal général résident surtout dans les dispositions fiscales applicables pendant la durée de vie d’un projet. Dans de nombreux pays africains, par exemple, les incitations fiscales sont généralement octroyées par le biais de contrats plutôt qu’à travers les lois. Les conditions fiscales sont une pièce maîtresse du puzzle, permettant aux citoyens de comprendre ce qu’ils tirent de l’exploitation de leurs ressources naturelles et de vérifier le respect des conditions, obligations et paiements découlant des projets extractifs dans leur pays.

Au Guyana, les conditions des contrats pétroliers sont un élément très important du débat public. La transparence de ces conditions est donc essentielle. Le contrat Stabroek prévoit que le gouvernement guyanien se verra accorder une part égale à 50 % des profits provenant du pétrole, les autres parties recevant le pétrole restant, avec un plafond de recouvrement des coûts de 75 %. Cela signifie que les contractants pourraient récupérer un certain nombre de coûts engagés pour l’exploration, le développement et l’exploitation. Une redevance de 2 % sur les ventes brutes sera applicable. D’autres flux de revenus de l’État, y compris une prime à la signature et des locations de surfaces, font partie des rentrées de l’État conformément au contrat. Des incitations fiscales, y compris des exonérations, sont également incluses.

La divulgation du contrat Stabroek est louable. Elle permet une analyse publique des conditions du contrat, tout en éclairant le débat sur les dispositions fiscales de l’un des plus grands accords pétroliers des dernières décennies. Les organisations de la société civile ont pu étudier les clauses contractuelles y relatives et recommander des modifications à apporter aux obligations fiscales énoncées dans le contrat. Cette divulgation démontre que la transparence des contrats devient une nouvelle norme.

Divulguer les accords de vente : la prochaine étape pour le Guyana ?

Une fois que l’État aura reçu sa part de pétrole brut du pays, le gouvernement cherchera à vendre ce pétrole à des négociants via des accords de vente de pétrole. Les données sur ces accords – telles que l’identité de l’acheteur, les engagements pris sur les volumes de pétrole à acheter et à vendre annuellement et mensuellement, le prix à payer et les mécanismes d’ajustement des prix – sont très utiles pour permettre un suivi. Le prix du pétrole peut avoir un impact considérable sur les économies tributaires de ce produit, et les données ouvertes sont cruciales pour le contrôle des revenus et de la façon dont ils sont dépensés. Par les temps qui courent, lorsqu’une forte baisse des prix du pétrole bouleverse des économies entières, le besoin de transparence est plus crucial que jamais.

Malgré la publication du contrat régissant le bloc Stabroek, le public et les médias continuent de réclamer davantage d’ informations, affirmant qu’il reste beaucoup à faire pour améliorer la transparence des accords de vente.

Outre la divulgation des contrats, la Norme ITIE encourage par ailleurs les pays mettant en œuvre l’ITIE à divulguer les contrats de vente liés aux ventes des parts de production de l’État et des autres revenus perçus en nature. L’ITIE-Guyana a clairement l’occasion de jouer un rôle dans la mise en lumière de cette question, au travers d’une collaboration avec le Secrétariat international de l’ITIE et ses travaux sur la transparence dans le commerce des matières premières. Le département de l’Énergie s’est engagé à fournir à l’ITIE-Guyana les données exigées sur la production et les échanges pétroliers pour la préparation du deuxième Rapport ITIE du pays.

La transparence des accords sur le commerce des matières premières permettra aux Guyaniens d’exiger des comptes des entreprises et du gouvernement, au fur et à mesure que les uns et les autres exécutent des transactions importantes ayant une forte incidence sur les recettes publiques. Le gouvernement a franchi une étape importante en créant un Fonds des ressources naturelles, afin de mieux gérer la richesse en ressources du Guyana. À l’avenir, veiller à ce que les revenus du pays soient gérés de manière responsable et durable devra rester au premier rang des préoccupations politiques. La prospérité économique du pays et les moyens d’existence de ses citoyens présents et futurs en dépendent.

Informations contextuelles

  • Le Guyana s’est joint à l’ITIE en octobre 2017. Par cet acte, le pays s’est engagé à mettre en œuvre les exigences de transparence de la Norme ITIE, y compris la divulgation à compter du 1er janvier 2021 de tous les contrats et licences qui sont octroyés, conclus et modifiés. Cette Exigence devrait améliorer encore la gestion des secteurs minier, pétrolier et gazier dans les pays riches en ressources, tout en donnant aux citoyens un accès aux données concernant les ententes régissant ces secteurs.

  • L’opérateur du bloc de Stabroek est Esso Exploration and Production Guyana Ltd. (filiale d’ExxonMobil), qui détient une participation de 45 %. Hess Guyana Exploration Ltd. détient une participation de 30 % et CNOOC Nexen Petroleum Guyana Limited détient une participation de 25 %.

  • Pour plus amples informations sur l’ITIE-Guyana, voir gyeiti.org.

 

Crédit photo : Hess Corporation