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Whistleblower

Renforcer la lutte contre la corruption fondée sur les données avec la nouvelle Norme ITIE

De nouvelles dispositions permettent aux pays d’utiliser l’ITIE pour faire reculer la corruption dans le secteur extractif

Le secteur minier, pétrolier et gazier est sujet à la corruption pour un certain nombre de raisons. La rentabilité du secteur, l’expertise financière et technique complexe requise pour gérer les projets d’extraction et le pouvoir de décision discrétionnaire dans l’attribution des licences ne sont que quelques-uns des facteurs qui contribuent à l’existence d’importants risques pour la gouvernance dans le secteur et qui sous-tendent la mission de l’ITIE d’améliorer la gouvernance des ressources naturelles par la divulgation de données et le dialogue.

Bien que la déclaration ITIE puisse mettre en lumière les aspects vulnérables des chaînes de valeur pétrolière, gazière et minière, la transparence à elle seule ne garantit pas la redevabilité.

Par le passé, de nombreux pays mettant en œuvre l’ITIE ont évité de s’attaquer directement aux problèmes de corruption, souvent en raison de leur incertitude quant au rôle que l’ITIE pourrait jouer dans la lutte contre la corruption, des limites perçues de son mandat ou de la réticence à lutter contre la corruption alors qu’elle est considérée comme un sujet sensible.

Cependant, les récents scandales de corruption qui ont éclaté dans le secteur montrent qu’il est indispensable de définir le rôle de l’ITIE dans la lutte contre la corruption. Conscients de cet impératif, certains pays comme l’Arménie, le Gabon, l’Indonésie, la Mongolie, les Philippines, le Togo et plusieurs pays d’Amérique latine ont commencé à utiliser l’ITIE pour identifier les risques de corruption dans leur secteur extractif. En outre, des pays comme le Ghana, le Nigeria et la Zambie exploitent les données relatives à la propriété réelle pour lutter contre les risques de corruption en participant au programme Opening extractives. L’ITIE Malawi a également facilité des discussions visant à répondre aux allégations de corruption dans le cadre du renouvellement d’une licence d’exploitation minière.

Des risques qui évoluent

Avec la transition des pays vers les énergies propres, les risques de corruption dans le secteur extractif pourraient s’intensifier. Dans le secteur du pétrole et du gaz, cette évolution peut impliquer que des entreprises réputées se départissent de leurs intérêts au profit d’acteurs plus petits ou nouveaux qui n’ont pas l’expérience et les ressources nécessaires pour mettre en œuvre les clauses de sauvegarde nécessaires. La demande accrue de minéraux nécessaires aux technologies des énergies renouvelables, tels que le cobalt, le cuivre, le nickel, le lithium et les terres rares, peut alimenter la spéculation corrompue sur les réserves et attirer des investissements illégitimes dans des projets miniers. Les régulateurs pourraient accélérer l’approbation des licences et contourner la législation en vigueur pour répondre aux demandes de production.

40 % des ressources mondiales en minéraux de transition sont situées dans des pays à mauvaise gouvernance, tandis qu’environ un cinquième des réserves de bauxite, de cobalt, de chrome, d’étain et de nickel sont concentrées dans les pays de l’ITIE. La demande en minéraux de transition devant quadrupler d’ici à 2050, il s’agit d’un moment décisif pour l’ITIE, qui doit contribuer à la mise en place d’un cadre solide pour la gouvernance du secteur extractif.

La Norme ITIE 2023 : quoi de neuf ?

Le contexte mondial actuel de la transition énergétique sous-tend certaines modifications clés de la Norme ITIE. Pour la première fois, la Norme ITIE fait explicitement référence à la lutte contre la corruption en tant qu’objectif central de la publication de certaines données telles que la législation en vigueur, l’octroi de licences, les contrats, la propriété réelle, la production, les exportations, la participation de l’État, le recouvrement des recettes et les dépenses sociales.

Cadre légal, octroi de licences et propriété réelle

La Norme ITIE 2023 exige désormais que les pays publient les lois anticorruption liées au secteur extractif, ce qui permet aux citoyens d’évaluer la gouvernance du secteur sous l’angle de la lutte contre la corruption. Les pays doivent également préciser si les pratiques en matière d’octroi de licences et de contrats s’écartent de la loi et sont encouragés à expliquer pourquoi ils ont recours à certaines méthodes d’octroi de licences, en particulier dans le cas d’approbations accélérées. Cette exigence vise à contrer les risques liés à la tendance croissante des régulateurs à manifester leur volonté d’accélérer l’octroi d’autorisations d’exploitation minière pour les projets de minéraux de transition.

En outre, la Norme ITIE souligne qu’il est important de lier les informations sur les licences aux données sur la propriété réelle afin de détecter les conflits d’intérêts potentiels lors de l’attribution des licences. Afin d’éviter les failles de la divulgation de la propriété réelle, comme les cas où les entreprises fractionnent délibérément leurs actions pour faire en sorte de ne pas atteindre le pourcentage de propriété couvert par l’obligation de déclaration, les pays sont encouragés à divulguer l’identité des propriétaires réels détenant une participation de 10 % ou moins dans une entreprise extractive.

Les pays sont également tenus d’exiger la divulgation complète du droit de propriété des personnes politiquement exposées (PPE), quel que soit leur niveau de propriété, ainsi que la divulgation de la structure des entreprises. La divulgation de ces données peut contribuer à empêcher les PPE de profiter indûment de leur position pour tirer profit de projets miniers. Reconnaissant que de nombreuses affaires de corruption impliquant des entreprises d’État sont menées par l’intermédiaire de tiers, la Norme ITIE encourage les entreprises d’État à divulguer les propriétaires réels de leurs agents ou intermédiaires.  

Contrats

La Norme ITIE 2023 met davantage l’accent sur la transparence des contrats. Outre la divulgation des contrats principaux et de leurs annexes, les pays sont désormais encouragés à divulguer les contrats de prospection importants, les accords détaillant les conditions de la vente de la part de production de l’État ou de ses autres revenus en nature, ainsi que les contrats prévoyant des dispositions en matière d’infrastructure et de troc, y compris les contrats de prêt garantis par les ressources.

En outre, les pays sont censés divulguer les contrats imposant des paiements sociaux et environnementaux. Ces publications permettent aux citoyens de mieux comprendre si les entreprises remplissent leurs obligations contractuelles au-delà des stipulations des contrats principaux.

Prospection, production et recettes

Afin d’atténuer les risques de corruption associés à la spéculation sur les réserves et aux fuites potentielles de recettes, la Norme ITIE 2023 encourage la divulgation des réserves économiques prouvées de pétrole, gaz ou minerais, des méthodes de vérification de l’exactitude des données de production, des estimations de la production et des exportations issues de l’exploitation minière artisanale, et des coûts des projets. Ces publications mettent en lumière la manière dont les gouvernements gèrent le risque de perte de recettes due à la corruption.

Renforcement du rôle des groupes multipartites et des entreprises 

La Norme ITIE renforce le mandat des groupes multipartites pour qu’ils participent à la lutte contre la corruption dans leur pays. Les groupes multipartites sont désormais tenus d’intégrer dans leur plan de travail des objectifs liés aux priorités nationales, y compris les problèmes de corruption, et de mener des activités connexes. En outre, la Norme ITIE souligne qu’il est important d’aborder les problèmes liés à la corruption dans le cadre d’un débat public.

Les entreprises privées et les entreprises d’État sont désormais censées publier leur politique de lutte contre la corruption, détailler la manière dont elles gèrent les risques de corruption et expliquer comment elles exploitent les données relatives à la propriété réelle. Les entreprises privées et les entreprises d’État sont également encouragées à s’engager dans des processus rigoureux de diligence raisonnable. Ces dispositions permettent aux groupes multipartites de s’attaquer aux problèmes de corruption et de faire activement participer les entreprises privées et les entreprises d’État à ces efforts.  

Établir un lien avec les politiques nationales

Au-delà de l’élargissement de la publication de données, les nouvelles exigences visent à orienter les politiques nationales de lutte contre la corruption afin de les rendre plus efficaces. Mais pour cela, il faudra que les pays tirent parti de leur processus ITIE pour prendre des mesures de lutte contre la corruption grâce à l’exploitation de leurs données et à une surveillance multipartite.

Plusieurs exemples nationaux montrent comment la déclaration ITIE peut compléter les réformes nationales. Par exemple, une analyse des données sur les licences au Mali montre que l’attribution des licences est devenue plus efficace au fil du temps. En Papouasie–Nouvelle-Guinée, un examen des données sur les recettes fait la lumière sur le montant des recettes extractives comptabilisées dans le budget national et met en évidence les possibilités d’amélioration des systèmes gouvernementaux. En République du Congo, les conditions contractuelles ont été analysées pour prévoir les revenus pétroliers potentiels à venir. Enfin, au Ghana, il est prévu d’exploiter les données relatives à la propriété réelle lors de l’examen des demandes de permis d’exploitation minière. 

Les nouvelles dispositions de la Norme ITIE 2023 donnent aux pays un nouvel élan pour exploiter les données et le dialogue afin de soutenir leur politique nationale de lutte contre la corruption. En renforçant leur rôle dans la lutte contre la corruption, les groupes multipartites peuvent assurer un renforcement de la transparence et de la redevabilité dans le cadre de leurs efforts de gouvernance liée aux ressources.

 

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