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Vidéo: débat d’experts - après l’indignation, le temps est aux solutions 

Après l’indignation, le temps est aux solutions : l’identification des propriétaires des entreprises pétrolières, gazières et minières dans le monde et la prévention de la corruption dans le secteur extractif

Le mercredi 1er juin 2016, l’une des premières belles journées d’été à Oslo, un public venu nombreux s’est réuni au centre culturel Litteraturhuset pour participer à un débat d’experts portant sur l’identification des propriétaires des entreprises extractives.

Parmi les intervenants figuraient : M. Fredrik Reinfeldt, président de l’ITIE ; Mme. Zainab Ahmed, ministre d’État du Nigeria ; Mme Carine Smith Ihenacho, responsable du département Conformité de Statoil ; Mme Siri Meling, députée du parti conservateur de Norvège ; Mme Sigrid Klæboe Jacobsen, directrice du Réseau pour la justice fiscale de Norvège. M. Kalle Moene, professeur en sciences économiques à l’Université d’Oslo, animait le débat.

Ci-dessous figure la déclaration liminaire du président de l’ITIE :

« Les révélations des dossiers du Panama ont attiré une attention sans précédent de la part de la communauté internationale sur le problème de l’opacité de la propriété réelle, et elles ont confirmé que, bien trop souvent, les entreprises anonymes sont utilisées dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent, de corruption et de concussion, et mettent en exergue les pratiques que la société civile s’efforce de dénoncer depuis des années.

L’opacité de l’identité des propriétaires réels constitue un problème mondial, qui touche tous les secteurs. Elle pose un défi particulier dans le secteur extractif, pour deux raisons :

  • Premièrement, les ressources naturelles ne sont pas illimitées, et elles appartiennent aux citoyens du pays où elles se trouvent. Bien que la transparence de la propriété réelle puisse être nécessaire dans tous les secteurs, dans le secteur extractif en particulier, les profits provenant du pétrole, du gaz et des minerais doivent bénéficier aux populations qui vivent dans les pays où se situent ces ressources. Il y a donc lieu d’exiger un contrôle plus étendu concernant l’identité des propriétaires réels et de ceux qui tirent profit des activités extractives.
  • Deuxièmement, dans les pays riches en ressources naturelles, le secteur extractif domine souvent l’économie du pays, rapportant aux entreprises et aux gouvernements plusieurs milliards de dollars de recettes chaque année. Dans beaucoup de cas, les projets pétroliers, gaziers et miniers sont mis en œuvre sous la direction d’entreprises responsables, qui disposent des moyens techniques et financiers nécessaires pour les mener à bien et prévoient d’exploiter les ressources à leur propre profit, mais aussi au profit des populations qui vivent dans le(s) pays où ces entreprises mènent leurs activités. Toutefois, l’expérience a également démontré que, dans un grand nombre de cas et en particulier dans les pays où les institutions et la gouvernance sont faibles, des entreprises ne disposant pas de tels moyens et dont les intentions sont bien différentes peuvent se voir octroyer des droits d’extraction dans les secteurs pétrolier et minier. En effet, les entreprises peuvent accéder à des projets extractifs rémunérateurs grâce aux appuis politiques dont elles bénéficient ou parce qu’elles sont disposées à s’engager dans des transactions douteuses visant à générer des profits rapides pour quelques-uns plutôt que pour l’ensemble de la société. Les populations qui vivent dans des pays riches en ressources ont plus de risques d’être lésées, car les actifs extractifs y font souvent l’objet de détournements à des fins de corruption. Il a été estimé que les pays en développement perdent 1 000 milliards de dollars US chaque année en raison de transactions corrompues ou illicites, dont beaucoup impliquent des entreprises anonymes.

 

On estime que la République démocratique du Congo a perdu au moins 1,36 milliard de dollars US entre 2010 et 2012 dans le cadre de la vente de cinq contrats miniers à des entreprises étrangères dont l’identité des propriétaires est dissimulée par le biais de sociétés fictives. Selon les Rapports ITIE de la RDC, cela correspond à peu près aux recettes annuelles du pays provenant des secteurs pétrolier, gazier et minier au cours de la même période.

Les Rapports ITIE du Nigeria ont permis de démontrer que le gouvernement nigérian a perdu plus d’un milliard de dollars US entre 2009 et 2014 du fait des relations entre les entreprises pétrolières et les propriétaires réels influents qui tirent les ficelles dans l’ombre. Aujourd’hui, le Président Buhari s’attache en particulier à localiser et recouvrer les actifs qui ont été volés au Nigeria, et la transparence de la propriété réelle réside au cœur de cet objectif.

Il y a deux ans, l’Ukraine est devenue l’un des premiers pays au monde à adopter une disposition législative imposant la transparence de la propriété réelle. Le registre des propriétaires réels qu’elle a récemment mis en place a permis de mettre en lumière la participation détenue par le fils de l’ancien président, ainsi que celle de certains « oligarques » extrêmement influents.

Ces exemples expliquent en partie pourquoi, au début de l’année 2016, les 51 pays mettant en œuvre l’ITIE ont décidé d’introduire de nouvelles règles sur les déclarations concernant la propriété réelle. Ils ont convenu que toutes les entreprises qui sont actives, soumettent des offres ou réalisent des investissements dans le cadre de projets extractifs dans leur nation doivent divulguer publiquement l’identité de leurs propriétaires réels respectifs. Bien que la lutte mondiale contre l’opacité de la propriété réelle ait pris de l’ampleur ces dernières années, aucun pays n’a publié des informations complètes sur la propriété réelle. Par conséquent, les nouvelles Exigences ITIE apporteront une contribution substantielle à la lutte mondiale contre les entreprises anonymes. Les discussions concernant la création d’un registre public des propriétaires réels progressent bien en Norvège.

L’une des principales raisons expliquant l’outrage suscité par les dossiers du Panama est l’étendue des révélations qui y sont faites concernant l’implication de nos dirigeants – présidents, ministres et autres fonctionnaires – dans des transactions douteuses. Bien que les participations de fonctionnaires gouvernementaux – ou « personnes politiquement exposées » – dans des entreprises pétrolières, gazières et minières ne soient pas nécessairement illégales, les dossiers du Panama ont dévoilé les conflits d’intérêts qui sont souvent à l’origine de telles participations. C’est pour cette raison que l’ITIE exige également que les personnes politiquement exposées divulguent de manière transparente les participations qu’elles détiennent dans des entreprises pétrolières, gazières et minières.

Ces dernières semaines, beaucoup d’attention a été accordée aux solutions permettant d’empêcher la dissimulation d’argent dans des lieux comme Panama. C’est une bonne nouvelle. Mais cela ne suffira pas à mettre fin à l’opacité financière qui facilite l’évasion fiscale et la corruption. Ces efforts doivent être mis en œuvre parallèlement à un renforcement des règles et de leur application dans les pays où l’argent est généré en premier lieu. C’est pour cette raison que l’engagement des 51 pays mettant en œuvre l’ITIE à imposer cette forme de divulgation de la propriété réelle constitue une preuve de leadership aussi significative.

Mais il ne s’agit pas seulement de divulguer publiquement les informations sur l’identité des propriétaires d’entreprises extractives. Les agents de la force publique, la société civile et d’autres ont la responsabilité énorme de contrôler les données, de comprendre leur signification et d’encourager la prise de mesures visant à dénoncer les pratiques douteuses et à les prévenir par la suite. Alors seulement la transparence de la propriété réelle produira un changement et permettra de s’assurer que les profits tirés des activités extractives sont partagés de manière équitable.

Nous ne devons pas sous-estimer les efforts qui seront requis pour imposer aux entreprises de soumettre les informations sur l’identité de leurs propriétaires réels. Il est possible que cela nécessite des changements législatifs, une réforme institutionnelle et l’organisation de vastes consultations. Un grand nombre de pays auront besoin d’un appui et d’une assistance technique afin d’avancer sur ces questions. Il est important que nous travaillions ensemble pour pouvoir échanger nos expériences et déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ».